C’est une décision qui n’a pas été facile à prendre. Et encore, aujourd’hui, elle n’est pas complètement assumée par tous ses membres. Pour mieux vous expliquer pourquoi Silence a ouvert cette page Facebook, un petit retour en arrière s’impose...
Silence existe depuis plus de 30 ans. L’association a été témoin de la rapide évolution des techniques et des moyens de communication : arrivée des micro-ordinateurs, de la PAO (publication assistée par ordinateur), de l’internet... à chaque fois, il a fallu se poser des questions et débattre pour évaluer l’intérêt de telle ou telle nouvelle technologie et pour voir dans quelle mesure Silence pouvait s’en passer.
Comment pouvez-vous justifier votre présence sur les réseaux sociaux ?
Silence aurait bien aimé se passer de créer cette page et d’utiliser cet outil de communication.
L’énergie nécessaire à la mise en œuvre d’internet, le pillage et la raréfaction des matériaux indispensables à son fonctionnement ne nous laissent pas indifférents, loin de là comme en témoigne le dossier que nous avons consacré à ce sujet : L’envers de la toile (n° 390, mai 2011). Nous avons même mené l’expérience de nous passer d’internet pour la réalisation du n° 407 (décembre 2012), dans lequel nous relatons cette aventure qui est restée... une aventure !
Les utilisateurs de Facebook, s’exposent à la capture de leurs données personnelles par les grands acteurs commerciaux du web, ce qui constitue l’antithèse de ce que nous défendons. Nous prônons tellement les échanges vrais, la simplicité, les alternatives économiques et écologiques.
Cependant, utiliser ce canal, tout en le critiquant, n’est-ce pas un bon moyen pour Silence de toucher des personnes qui ont besoin de percevoir des alternatives de vie et de développer leur regard critique ? N’est-il pas possible d’utiliser un instrument qui, à priori, sert l’individualisme et la relation virtuelle, pour diffuser un autre discours ?
Nous le comprenons bien. Etre sur Facebook, c’est toucher un public plus large, différent de celui qui fréquente les salons et les festivals écolos, mais pensez-vous vraiment augmenter votre lectorat en étant présent sur les réseaux sociaux ?
Aujourd’hui, Silence est sur Facebook, car Silence est une revue qui a besoin de vivre. Nous devons faire face à la perte de vitesse de la presse en général et de la presse alternative en particulier. Nous avons toujours choisi de ne pas être distribué en kiosque pour éviter le gaspillage. Savez-vous qu’en moyenne un journal sur trois disponible en kiosque est jeté ? Pour autant, Silence a besoin d’être visible.
Le bouche-à-oreille de nos lecteurs-trices, sympathisant-es et de nos partenaires compte beaucoup pour nous faire connaître. De nombreux stands — plus d’une centaine par an — sont tenus par des bénévoles et la revue est disponible en dépôt dans deux cent lieux (magasins bio, librairies indépendantes, associations…). Nous avons besoin de nous faire connaître d’un plus large public non engagé dans cette voie et peu informé. Pour diffuser les idées et les pratiques, nous ne pouvons pas rester absents des réseaux fréquentés par la plupart des jeunes, car nous ne disposons pas d’autres moyens de les toucher.
De nombreux collègues de la presse utilisent déjà les « réseaux sociaux » comme vitrine sur le web. Selon nos statistiques de 2012, 80 % des personnes qui arrivent sur notre site internet viennent par Facebook, alors même que nous n’y étions pas ? Aujourd’hui, nous choisissons de tenter cette expérience, comme nous avons commencé, en 1986, à utiliser les ordinateurs pour réaliser la revue, en 2006, de nous connecter sur internet, de créer un site et, en 2010, de proposer le paiement en ligne.
Aujourd’hui, Silence assume son ambiguïté en ayant conscience de ses contradictions. Nous veillerons à une utilisation prudente et critique de ce moyen.