L’expression « espaces publics » renvoie à deux domaines : un espace physique et un autre, symbolique, dans lesquels se meut la population à différentes fins. En ce sens on retrouve surtout ce terme dans les domaines de l’architecture et de l’urbanisme.
Pour Dominique Wolton, historiquement, cela a commencé par « un espace commun » (espace d’expression et de circulation), qui a muté en espace public de discussion (rue, commerces, échanges) et d’où découle l’espace politique (espace de décision). L’espace public symbolisant un équilibre fragile entre les citoyens et l’espace politique.
L’espace public « exproprié »
Cet espace est exproprié par différents procédés (privatisation, abandon, usage sans les habitants). Plusieurs éléments le montrent :
• L’affichage et l’agression publicitaire, qui monopolisent l’espace d’expression.
• La débauche énergétique par une sur-présence lumineuse qui occulte notre beau ciel étoilé.
• Le bétonnage, le bitumage (1) et l’artificialisation de la ville : la pression urbaine grignote les espaces agricoles et forestiers. Les rues sont faites sur mesure pour les voitures et non pour les piétons.
• La politique de la peur et de l’exclusion y engendre le repli sur soi dans un espace privé et protégé (vidéosurveillance, aménagement situationnel discriminatoire…).
La notion de propriété renvoie à celle de pouvoir. Dans une démocratie, le pouvoir appartient à l’ensemble des citoyens et des habitants de cet espace. Or, il apparaît que l’espace public appartient peu aux habitants, mais plutôt à une minorité, qui use de plusieurs procédés pour déposséder le reste la population.
« L’espace public implique que tout pouvoir politique se fasse par et pour le peuple » (Kant).
Réagir en se réappropriant collectivement l’espace public
Contrecarrer cette désertion grandissante, c’est multiplier les initiatives pour une réappropriation citoyenne prenant des formes multiples. Le futur se laisse alors entrapercevoir dans le présent.
Depuis quelques années fleurissent beaucoup d’actions directes, ludiques, spectaculaires, légales ou illégales. On en distinguera dans ce dossier deux catégories : celles qui sont éphémères et celles qui s’implantent durablement dans le décor.
De nouvelles formes d’intervention politique apparaissent. Comment faire pour qu’elles deviennent de plus en plus populaires ? Ne sont-elles pas le signe d’un désir d’émancipation et d’autonomie permanent, inhérent à tout projet démocratique ?
Khaled Gaiji, Elise Ayrault et Bérenger C.
(1) « En toutes circonstances, bitumage et bétonnage restent les deux mamelles de la croissance. La France comme patrie de trois des plus grandes transnationales mondiales du BTP, Vinci, Bouygues et Eiffage », Jean-Marc Serekian, Le Cœur d’une ville… hélas !, Le Passager clandestin, 2011, 154 pp.
(2) Organiser et équiper l’espace public de façon à dissuader délinquants et criminels potentiels et assurer la sécurité du public.
(3) En arabe, « Tahrir » veut dire « libération » ou « émancipation ».