A 40 ans, Alain Brétesché a toujours habité Notre-Dame-des-Landes. Aussi loin qu’il se souvienne, il a toujours entendu parler du projet d’aéroport, et sa famille s’y est toujours opposée.
« Avant, c’était assez abstrait, raconte-t-il. Après le premier choc pétrolier, on pensait même que ça avait été abandonné. Mais depuis l’an 2000, sous l’impulsion de Jean-Marc Ayrault (1) et des autres élus locaux, c’est vraiment devenu concret. »
De parents agriculteurs, Alain travaille dans le bâtiment. Avec sa femme et ses deux enfants, il habite exactement à l’endroit où se trouveront les futures pistes. Il y a 20 ans, il s’est installé dans une maison louée par le Conseil Général, qui l’avait rachetée à des agriculteurs grâce au droit de préemption en vigueur à l’époque. A cette période, le Conseil Général de Loire-Atlantique commence à racheter en masse des propriétés et à les louer en attendant la mise en œuvre du projet.
« Pour moi, ça a été compliqué, explique Alain. Notre maison était assez vétuste, et il fallait faire quelques travaux, notamment pour amener l’eau potable. Mais on a eu vraiment du mal à avoir l’autorisation, parce que les autorités, sachant que cette maison était vouée à être détruite, rechignaient à nous donner le permis. Pendant plusieurs années, j’ai été obligé d’aller chercher des bidons d’eau à la commune voisine, et on la faisait chauffer sur le gaz pour pouvoir nous laver… »
Comme prévu dans le bail, le jour où le Conseil Général les priera de lever le camp, Alain et sa famille ne disposeront que de deux mois pour quitter leur maison.
Environ 800 maisons concernées
Aujourd’hui, environ 800 maisons et quelques exploitations agricoles ont été rachetées par le Conseil général et l’Etat pour compenser la gêne qui sera occasionnée par le futur aéroport.
« Ce nombre donne une idée de l’importance du projet. Ils ont défini sur la carte une zone qui sera potentiellement soumise aux nuisances sonores de l’aéroport, et ils rachètent les maisons qui s’y trouvent. Mais si tu regardes bien, sur la carte on s’aperçoit que tous les endroits qui seront survolés ne sont pas pris en compte, et que le tracé contourne miraculeusement les bourgs à certains endroits. De toute façon, l’indemnisation se fera à minima ! »
Sans compter que les calculs actuels du conseil Général ne prennent pas en compte les aménagements nécessaires à la construction des routes, voies ferrées et autres infrastructures conséquentes qui relieront le site à Nantes.
Depuis 2000, Alain rejoint l’ACIPA (2). L’association, qui comptait six membres à ses débuts, en totalise aujourd’hui plus de 3000, et est très active dans la région. Mais son combat n’est pas exclusivement social : « Il faut bien souligner le fait que nous ne luttons pas seulement parce que c’est chez nous. On s’inscrit dans une logique plus globale de préservation de l’environnement et d’opposition à la folie des grandeurs de certains. J’aurais les mêmes convictions si j’habitais ailleurs, ça ne changerait rien. Mais c’est vrai que nous n’avons pas envie de partir. Il faut se rendre compte : ma famille est ici depuis trois générations. J’ai toute ma vie ici : mes amis, mes loisirs, mes attaches… Ce n’est pas que la nature qui sera détruite. C’est aussi tout un tissu social. D’ailleurs, trois départementales vont être coupées par l’aéroport, ce qui détruira les liens entre les différentes communes de la région ».
Alors les habitants de la région s’organisent, autour de la lutte menée par l’ACIPA notamment, et paradoxalement, « la lutte a eu pour conséquence de renforcer les liens entre les gens », conclut Alain. « Et on est tous bien déterminés. on partira pas ! ».
Benjamin Gauducheau
(1) Maire de Nantes (PS) depuis 1989 et fervent partisan du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes
(2) Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes
Contact :
ACIPA, BP 5, 44130 Notre-Dame-des-Landes, http://www.acipa.free.fr.