Considérée principalement comme un instrument de sport et de loisir, la bicyclette pourrait, du fait de la crise économique, gagner un nouveau statut dans une société relocalisée : celui de moyen idéal de déplacement individuel, complété par le transport en commun. Malgré la première crise pétrolière des années 1970, l’industrie des 2B (béton-bitume) n’a cessé de construire de nouvelles voies obligées de transport, toujours plus rapides et plus envahissantes, en même temps que consommatrices d’énergie. "L’industrie du transport dicte la configuration de l’espace social. La chaussée (…) sépare les anciens voisins" (1). Ainsi, le large ruban d’asphalte de l’autoroute crée-t-il une frontière en traversant un territoire. A l’inverse, le chemin de halage suit le cours d’eau et s’intègre discrètement au paysage. Le cycliste peut l’emprunter en silence, à une allure modérée, sans nuire à son environnement.
La bicyclette est en effet aussi discrète qu’efficace. Elle constitue surtout une extension de notre système d’équilibre et de nos capacités motrices, comme tout bon outil qui sait rester à sa place d’auxiliaire de notre activité. Ses seuls défauts sont visibles du point de vue des industries du transport et de l’énergie : autonomie et gratuité. En plus de sa remarquable discrétion et de la liberté qu’elle procure, son efficacité est supérieure à tout autre moyen de locomotion, y compris la marche : "A bicyclette, l’homme va de trois à quatre fois plus vite qu’à pied, tout en dépensant cinq fois moins d’énergie". Elle est aussi le plus rapide, à condition de tenir compte du temps total passé à préparer les déplacements, incluant le temps de travail. En 1973, "L’Américain moyen consacre plus de mille six cent heures par an à sa voiture. Il y est assis, qu’elle soit en marche ou à l’arrêt ; il la gare ou cherche à le faire ; il travaille pour payer le premier versement comptant ou les traites mensuelles, l’essence, les péages, l’assurance, les impôts et les contraventions. L’Américain moyen dépense mille six cents heures chaque année pour parcourir dix mille kilomètres ; cela représente à peine 6 km/h".
Cette vitesse est à comparer aux 15 km/h de moyenne de l’AlterTour. Par rapport au 4x4 d’un rallye motorisé, l’alterCyclette serait donc bien plus « rapide ». En temps total passé à la préparation des déplacements, au moins mille vélos valent ce qu’un 4x4 coûte. Les alterCyclettes admettent elles-mêmes un auxiliaire : l’alterBus qui transporte les cyclistes lorsqu’ils ne prennent pas leur relais. Une telle association entre vélos et transport en commun pourrait d’ailleurs servir d’exemple à une société future, plus sobre en consommation d’énergie.
Le prochain circuit de l’AlterTour (figure ci-dessous) se déroulera sous le signe de la décroissance et de la simplicité volontaire, à l’image d’une pratique utilitaire et non compétitive du vélo, dont la devise pourrait être : « sobriété, efficacité, discrétion », à l’inverse de celle du dopage, de l’hyperactivité et du bling-bling.
"Entre des hommes libres, des rapports sociaux productifs vont à l’allure d’une bicyclette, et pas plus vite".
Dominique Béroule
(1) Toutes les citations sont extraites d’Energie et Equité, Ivan Illich, 1973.
Les inscriptions individuelles sont ouvertes jusqu’à mi-juin : on y précise notamment les étapes souhaitées et si on apporte sa propre bicyclette, en joignant au courrier les certificats médical et d’assurance "responsabilité civile". Les demandes pourront être satisfaites dans la limite de 70 personnes par étape et de 20 altercyclettes disponibles en partage. Une inscription partielle est prévue pour les personnes qui souhaitent accompagner les altercyclistes sur une demi-étape. Contact et Fiche d’inscription téléchargeable sur www.altertour.net.