L’air est pollué en grande partie par la circulation pléthorique, même les constructeurs d’automobiles n’osent plus le nier.
Or, de récentes études américaines l’ont démontré, l’augmentation des cancers du poumon non liés au tabagisme (le tabac étant un des facteurs aggravants) serait due, dans les mégapoles, aux particules d’hydrocarbures dans l’air que les citadins respirent.
L’effet de serre est causé, outre les rejets de l’industrie chimique, par ceux des voitures.
Les accidents de la route provoquent encore, en dépit d’une diminution chez nous, des milliers de morts et quand on ne roule pas à tombeau ouvert, on peut rouler en fauteuil roulant en échappant au dit tombeau. Et le paisible piéton osant emprunter un trottoir est aussi concerné.
Las ! Un pareil constat ordinaire ne devrait-il, tout aussitôt, nous faire condamner sans appel ces engins diaboliques ?
Oui, la voiture, maintenant, nous empoisonne les existences. La nôtre, celle des voisins, des enfants allant à l’école et des hérissons qui ont l’inconscience de traverser.
Oui, la voiture exige non seulement son plein de carburant pollueur ainsi que les guerres pour l’approvisionner mais aussi du goudron pour « enrober » (joli terme…) routes et parkings. Rappelons que le goudron est un dérivé du pétrole qui imperméabilise de très importantes surfaces de terre indispensables pour l’absorption des pluies, d’où les excès d’inondations.
On essaie bien aujourd’hui de lui jouer des tours, à la voiture, des tours et détours en transformant les abords d’agglomération en labyrinthes de ronds-points et méandres, réalisés à très grands frais avec nos sous de contribuables. Des contribuables étrangement muets pourtant. Chicanes et dos d’ânes, ils paient sans chicaner C’est pour la bagnole et aucun budget municipal ou régional n’est contesté s’il s’agit de voirie, ou plus exactement du voiturisme, le plus grand parti occidental en nombre d’adhérents…
J’ai parlé des villes, mais à la campagne ?
Alors là, posons-nous d’abord la question : où est-elle, la campagne ?
A l’origine, la campagne c’était un pays plat (le champ, le campus) opposé à la montagne. On pouvait distinguer aussi le paysage de champs ouverts, contraire à celui du bocage avec ses haies. Tout cela reposait sur le régime agraire et l’organisation collective en villages entourés de communaux utilisables par tous les habitants (1). Mais ces définitions ne correspondent plus à aucune réalité.
Dès que l’on sort des villes, on ne retrouve plus la campagne. On bénéficie de zones. Passées celles d’éducation prioritaires des masses de HLM des banlieues, on tombe dans les zones commerciales, artisanales et industrielles, en secteurs bien séparés par des voies express totalement dissuasives pour un promeneur égaré. Mais savez-vous qu’aux USA (référence obligée, ce sont eux qui nous ont imposé leur modèle motorisé) tout marcheur au bord d’une route est considéré comme un individu louche ? De l’Homme marchant, fier de sa station debout, d’humanoïde évolué, ils ont fait l’Homme marchand qui ne pense plus qu’au profit. Une petite lettre qui change tout… C’est une autre histoire ? Pas vraiment, puisque c’est le système libéral américain que nous avons voulu imiter qui a contribué à bouleverser nos modes de vie et nos campagnes. Mécanisées et américanisées, de la marque du tracteur aux types d’engrais en passant par le coca dans le frigo.
En continuant notre parcours, après ces zones semi-urbaines, on arrive donc dans la zone d’agriculture intensive. Zones patates, zones maïs ou betteraves selon région, à perte de vue, jusqu’à… l’horizone.
Si l’on se détourne des grands axes, on finira par découvrir des villages qui ne sont pas encore des vestiges, qui ressemblent aux images de l’école primaire où le clocher, en dépit de la laïcité, regroupait des toits de couleur et facture semblables dans un vallon ou sur un coteau agreste et bucolique à souhait.
Quand la nationale traverse le village, vous n’avez pas intérêt à y flâner. Pour respirer, c’est juste un peu mieux qu’en grande ville, ça ne sent plus ni l’étable chaude, le pain sorti du four ni le tilleul de la place mais les gaz. Si le village n’est accessible qu’à pied (extrêmement rare) ou par une toute petite route, les façades seront moins noircies et l’odeur du tilleul retrouvera
ses prérogatives. Vous pourrez traîner dans des ruelles assez tordues pour décourager les grosses cylindrées d’aller essayer d’y croiser un poulet. Ouf !
Alentour, vous verrez des troupeaux, mais oui. Nous sommes dans le Morvan, ou bien les Cévennes, le Jura, les Préalpes. Les villages se sont accrochés à leurs terroirs là où la pente dissuadait l’emploi de machines agricoles géantes.
Voyager sans voiture en France
Cet atlas prétend présenter toutes les infrastructures permettant de voyager sans voiture en France : voies ferrées, réseaux urbains, réseaux touristiques, réseaux européens proches… Malheureusement, pas de réponse à la question des campagnes sans voitures. C’est uniquement inter-urbain. A compléter !
194 pages, disponible contre 12€ auprès de Itinéraires et Territoires, 285 quater, avenue Victor-Hugo, 93100 Montreuil-sous-Bois, tél : 01 48 12 96 00.
Est-ce le bonheur ?
Le bistrot vient de fermer après l’école, on fait du « ramassage », pas des poivrots mais des écoliers. Et roule, jeunesse ! De l’épicerie et du boulanger ne subsistent que les vieilles enseignes, leurs boutiques transformées en logements sinon à l’abandon (les besoins en logis moins chers des citadins s’étendent jusqu’ici). Pour les achats et toutes les nécessités quotidiennes, on prend la voiture. Car tout est désormais très loin dans ce siècle de la communication qui éloigne. Qui a provoqué le phénomène, le premier qui s’est payé une bagnole qui a fait envie aux voisins, l’épicier trop vieux qui a pris sa retraite, le désir d’autres loisirs que le match local après la messe (il n’y a plus de messes, plus de curé). Les bonnes veillées chez l’un ou l’autre, on ne les a appréciées avec nostalgie qu’après que l’achat de toutes les télés les ait fait disparaître. Les foins, les battages, les occasions de travailler très dur mais ensemble n’existent plus, il y a des machines pour ça.
Sauf que : un manque de relations humaines a fini par se faire sentir et, un peu partout, on recrée des rencontres, on retrouve d’anciennes fêtes, des jeunes montent des groupes pour faire de la musique (ils ont le matériel sono). Peut-être que la vie a besoin d’un peu de temps pour renaître après la voiture.
Un peu partout, on recrée des rencontres, on retrouve d’anciennes fêtes, des jeunes montent des groupes pour faire de la musique. La vie a besoin d’un peu de temps pour renaître après la voiture.
La première voie de chemin de fer est inaugurée en Angleterre en 1824. La première en France, entre Saint-Etienne et Andrézieux, dans la Loire, en 1827. Ces premières voies sont d’abord conçues pour faire la liaison entre les voies d’eau, alors moyen le plus utilisé pour les transports de marchandise de longue distance. Les premières grandes lignes voient le jour en 1847. C’est alors l’envolée : en 1875, on dispose de 25 000 km de lignes reliant toutes les grandes villes. En 1879, le gouvernement décide, pour raison de service public, de relier au chemin de fer toutes les préfectures et sous-préfectures. Cela est presque réalisé avant la guerre de 1914. Le réseau fait alors 40 000 km. Après la guerre, les voies détruites sont reconstruites et les programmes interrompus sont achevés. La concurrence avec la route commence alors. Le réseau atteint alors sa taille maximum avec environ 50 000 km. A partir de 1928, des lignes commencent à fermer.
Le Front populaire crée la SNCF en 1937 qui regroupe les cinq grandes compagnies de l’époque, celles-ci étant fortement endettées. La deuxième guerre mondiale entraîne une chute importante avec la non reconstruction de nombreuses lignes détruites.
En 1972, la SNCF est régionalisée et doit avoir un budget équilibré. En 1983, elle devient société commerciale et commence alors un partenariat avec les régions qui va contribuer à sauver les petites lignes (TER). En 1997, une séparation est faite entre la SNCF qui gère les trains et le Réseau ferré de France qui gère les lignes, ouvrant de fait les voies à la concurrence.
Aujourd’hui, le réseau SNCF fait 31 385 km dont 1700 km de TGV. Ce sont donc environ 20 000 km de voies qui ont disparu depuis la fin de la guerre, au nom de la rentabilité. Les conventions avec les régions ont freiné le phénomène et même permis dans certaines régions comme Rhône-Alpes, la réouverture de quelques lignes. Les élus régionaux soucieux de laisser la porte ouverte à un retour au rail devraient au minimum s’assurer que les sites propres qui ne sont pas exploités actuellement ne soient pas irrémédiablement détruits : destruction des ouvrage d’art, empiètement d’autres usages, ventes de tronçons comme des tunnels qui dans les Pyrénées servent aujourd’hui de champignonnières.
Peut-être que les villageois les plus coriaces réussiront à obtenir un minibus municipal pour pouvoir restreindre l’usage des véhicules particuliers, peut-être qu’un courageux ouvrira une boutique (il y en a ici ou là qui l’ont fait), surtout si c’est une coopérative qui associera les habitants à l’entreprise. Ils commencent à le savoir, les habitants, que l’hypermarché c’est de l’arnaque et qu’ils perdent beaucoup de temps pour y aller.
Autrefois, l’organisation sociale rurale permettait une vie pratique acceptable sinon facile et agréable. Car il ne faut pas se raconter des histoires, tout n’était pas parfait il y a cinquante ou cent ans. Il y avait souvent une charrette qui s’arrêtait pour prendre le marcheur fatigué, mais, sous la pluie, la charrette, ce n’est pas si confortable que ça. Le car passait le matin et revenait le soir. En se pliant à son horaire, on pouvait certes se rendre chez le dentiste ou à la foire pour acheter les outils. Dans les hameaux les plus éloignés, l’épicier passait une ou deux fois par semaine. A lui comme au facteur, on confiait des messages à transmettre au village voisin. Ce n’était pas encore un courriel, mais un système fiable et gratuit. Des services qui ont presque tous disparu.
Même si l’on est enthousiasmé par une ferme reconstituée à l’ancienne au milieu de sa basse-cour, on n’est en général capable d’y vivre qu’un temps de vacances. Les changements ne sont pas seulement structurels, ils sont profonds. Le corps humain a suivi, plus grand, plus mince, amolli par les heures devant l’écran, il ne résisterait pas au labeur de nos ancêtres paysans. La marche, on aime pour une randonnée en été, mais les trajets interminables après une journée harassante avec un fardeau sur l’épaule, les feriez-vous ? Il faut comprendre et reconnaître que la voiture a vraiment amélioré la vie dans les campagnes et que, si l’on veut la remplacer, ce ne sera possible qu’avec des moyens de transport acceptables et présentant d’autres qualités (ceci du moins tant qu’il y aura encore des carburants disponibles…).
On avait autrefois une forme de collectivité dictée par la nécessité absolue d’être associés pour les travaux les plus épuisants. Il serait aujourd’hui possible d‘instaurer une forme de collectivité totalement différente, voulue, issue d’une démarche lucide, sans qu’elle soit obligatoirement calquée sur celle des écovillages qui rebute certains par trop de refus. Il peut exister, parallèlement aux écovillages, des villages qui s’en inspirent mais plus faciles d’accès à tous et prenant en compte la population installée, c’est-à-dire ceux qui sont restés au pays et les citadins qui ont échoué là uniquement par le hasard d’une agence immobilière et sans vocation d’écolos. Le mélange des autochtones et nouveaux venus est comme une greffe commençant tout juste à prendre après beaucoup d’échecs.
Remettre en place un tissu social
Une diminution considérable des voitures en circulation dans les campagnes comme dans les villes sera un bienfait, mais je le dis au futur car il convient de commencer par tout mettre en place pour que cela devienne possible. La réouverture des petites gares, des lignes de bus les reliant aux villages, la réouverture des écoles stupidement fermées et l’encouragement envers les personnes et les associations qui animent la vie locale avec l’estime énorme qui leur est due. On entend encore bien trop souvent parler avec ironie de « ploucs » et de « trous pourris » alors que la qualité culturelle est de plus en plus souvent de leur côté et non plus de celui d’une nomenclatura en déclin. La campagne est aussi le lieu privilégié par ceux qui veulent réfléchir.
Et l’on peut y réfléchir aux moyens d’inverser le processus : disparition des commerçants locaux voulue pour rentabiliser l’hypermarché, dont l’accès est facilité par d’immenses parkings. Il faudrait donc… supprimer ces parkings, se battre par tous les moyens pour qu’ils soient interdits, remplacés par des espaces verts. Nous pourrions tous aller encombrer les parkings des hypers par des tas de terre, de branches, de sable, de fumier si vous en avez (tout cela amené par tombereaux et brouettes pour être en accord avec nos principes, tout en tentant d’obtenir des gouvernants l’interdiction de ces parkings (possible peut-être avec la raréfaction du pétrole…). Bien sûr, il conviendrait de négocier avec municipalités et propriétaires des grandes surfaces la mise en place de bus fréquents. On n’irait pas jusqu’à demander la démolition, non, mais la transformation de ces géants du commerce en lieux de vente de meubles, chaussures, casseroles et paniers, avec des salles à louer par les associations pour grandes fêtes et congrès, un vrai marché paysan dans les anciens parkings, pourquoi pas ?
Priorité aux modes de déplacements doux
A l’interdiction des parkings autour des grandes surfaces, il serait bon d’ajouter une révision des priorités, pour que priment partout les droits des piétons, des cyclistes et des chevaux, les automobilistes irréductibles se contentant de voies de plus en plus difficiles sauf itinéraires strictement réservés aux ambulances. Il s’agit bien d’interdictions, de restrictions, de nouvelles règles, car malheureusement les humains sont encore très loin de savoir s’autodiscipliner.
Dans les campagnes, il y a aussi des tracteurs. Ils consomment énormément de carburant, ils défoncent les chemins que les amateurs de randonnée essaient de réabiliter. Mais ils sont utiles. La traction animale ? Certains y pensent (2). L’emploi de certains biocarburants à base de déchets agricoles qui permettraient de diminuer les besoins en gasoil pourrait se généraliser très vite (3). Il est vrai aussi que préconiser les reconversions vers l’agriculture bio supprimerait l’utilisation des plus grosses machines, celles qui défoncent et compactent les terres. Toutes ces mesures sont du domaine des décisions politiques. Il ne nous manque que des politiciens courageux. Seront-ils nés avant les chevaux de trait ?
A vous de faire d’autres propositions pour redonner aux campagnes industrielles un aspect humain aussi démotorisé que possible.
Madeleine Nutchey
(1) Voir articles d’Alain-Claude Galtié abordant cette question.
(2) Voir S!lence n° 298-299, « Valorisation de la traction animale », mais les chevaux de trait nécessaires ne sont pas encore nés…
(3) Mais les surfaces occupées par les biocarburants peuvent être plus utiles pour produire des aliments. Voir controverse dans le numéro 311.
Contrairement à la France où la moindre installation de montagne est reliée à la vallée par une route, la Suisse a développé, depuis le début du vingtième siècle, des installations plus légères et moins destructrices de la nature : télésièges, funiculaires, chemins de fer à crémaillère… Si ces installations servent aujourd’hui essentiellement à des fonctions touristiques, elles contribuent à en limiter les impacts sur l’environnement. En 1996, la Suisse comptait ainsi 540 téléphériques (ou télécabines ou télésièges) qui ont transporté 150 millions de personnes, 55 funiculaires (contre 63 en 1950) qui ont transporté 18 millions de personnes, 12 chemins
de fer à crémaillère (contre 15 en 1960), qui ont transporté 17 millions de personnes. (source Office fédéral suisse)