C’est un enfer qui dure depuis 24 ans. Sociologue, écrivaine et militante de Turquie engagée dans les luttes féministes, antimilitaristes, écologistes et avec les Arménien·nes, les Kurdes, etc., Pinar Selek est arrêtée en 1998 à cause de ses recherches, torturée puis emprisonnée pendant plus de 2 ans. On l’accuse, après coup, d’avoir participé à un attentat à la bombe dans un marché. Mais absolument rien dans le dossier judiciaire ne tient debout. Tous les rapports officiels d’expertise concluent à l’explosion accidentelle d’une bonbonne de gaz. Pınar Selek est acquittée à 4 reprises, mais à chaque fois l’État fait appel. Le seul témoin qui l’avait accusée d’avoir commis un attentat avec lui, un jeune homme kurde, s’est rétracté par la suite car ses aveux avaient été extorqués sous la torture, et il a été acquitté définitivement. La poursuite des accusations contre Pınar Selek révèle donc son unique visée, qui est répressive. Il s’agit de la faire taire et de bâillonner toute contestation, toute voix dissidente, par la politique de la terreur.
Le verdict de la Cour Suprême de Turquie, attendu depuis 2017, est tombé le 21 juin 2022 après une délibération à huis clos, sans plaidoirie. Son quatrième acquittement a été annulé. Cette annulation va entraîner un retour devant la Cour d’assises et le risque d’une condamnation à la perpétuité de Pinar Selek, exilée en Allemagne puis en France depuis 2009, de nationalité française depuis 2017. Elle va poser des recours devant la Cour constitutionnelle de Turquie ainsi que devant la Cour européenne des droits de l’homme.
Depuis la France où elle réside, Pinar Selek refuse de baisser la tête face à cette persécution politique, mais continue de résister, de prendre la parole, de publier des livres, d’enseigner, d’agir avec d’autres pour les droits de tou·tes, contre les injustices, en « militante de la poésie ». Elle nous aide à penser les luttes féministes, écologistes, antimilitaristes, sociales de manière reliée, en pratiquant une politique de la joie. Il est important qu’elle puisse continuer à agir et à parler librement, sans que pèse sur elle l’injustice et la violence d’un jugement inique.
Comment agir en soutien à Pinar Selek ?
On peut être solidaire en soutenant financièrement les recours en justice qui vont être engagés et les frais qui l’accompagnent, à travers une caisse de solidarité qui a été ouverte sur Hello Asso, au nom de l’association Karinca, « Solidarité avec Pinar » .
On peut participer à cette caisse de solidarité par chèque à l’ordre et à l’adresse de Silence, 9 rue Dumenge, BP 4215, 69241 Lyon Cedex 04, en mentionnant bien au dos « Solidarité avec Pinar Selek ».
On peut signer et faire signer la lettre ouverte au président de la République ici :
https://framaforms.org/soutien-de-la-republique-francaise-a-pinar-selek-1658161779.
On peut aussi prendre contact avec les collectifs de solidarité avec Pinar Selek qui existent à Nice, Lyon, Marseille, Paris, Strasbourg, Brest, Bordeaux, Genève, Forcalquier, au Pays Basque, etc. en contactant le Collectif lyonnais de solidarité avec Pinar Selek, c/o Terre des livres, 86 rue de Marseille, 69907 Lyon, comitepinarseleklyon@free.fr.
Les collectifs de solidarité sont en train de mettre en place diverses actions pour affirmer la solidarité avec Pinar Selek et combattre cette injustice. Toutes les énergies sont les bienvenues. La caisse de solidarité qui a été ouverte permettra, si elle est excédentaire, de soutenir toutes les initiatives prises en sa faveur au-delà des procès (campagnes de soutien, délégation internationale à l’audience de son procès en Turquie, etc.).
Pinar Selek et Silence
Pinar Selek est active au sein de la revue Silence depuis 2014, elle a participé à l’élaboration de l’affiche « 100 dates qui construisent nos luttes féministes aujourd’hui », et continue à accompagner l’association, dont elle est membre, depuis lors.
Silence a publié en 2019, en lien avec les éditions Cambourakis, un livre de biographie politique intitulé L’insolente. Dialogues avec Pinar Selek.
La revue a également publié plusieurs articles de Pinar Selek ainsi que des entretiens avec elle, que vous pouvez découvrir ci-dessous :
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N°409 « Un autre cercle est possible », février 2013 Pinar Selek : résister, c’est être heureuse Rencontrer Pinar Selek est une expérience marquante. Derrière sa présence chaleureuse et débordante de générosité bouillonne l’intelligence pétillante de la sociologue. Mais surtout d’une femme turque engagée auprès des minorités et qui paye cette solidarité par une invraisemblable persécution judiciaire.
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N°475 « Retiens la nuit », février 2019 Pinar Selek, une résistance créative par-dessus les frontières Silence vient de coéditer le livre L’insolente. Dialogues avec Pinar Selek. Cet ouvrage retrace la vie et les combats de Pinar Selek, une personnalité hors-norme dont la richesse du parcours et des engagements gagne à être connue.
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N°464 « Semences vivantes, graines d’autonomie », février 2018 Espoirs et limites de l’autogestion au Rojava Au nord de la Syrie, dans la région du Rojava reconquise aux djihadistes, une expérience inédite de confédéralisme démocratique inspiré des idées de l’écologie sociale est expérimentée depuis 2014. Pinar Selek livre ici son regard vigilant sur cette expérience politique.
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N°470 « Autogérons les coop’ alimentaires ! », septembre 2018 Murray boockchin nous aide à penser la crise écologique Une biographie de Murray Bookchin a été publiée récemment en France. Pinar Selek, dont le parcours militant et la réflexion ont été marqués par celui-ci, s’adresse dans ce texte à l’inventeur de l’écologie sociale et du municipalisme libertaire.
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N°431 « Soutenir les lanceurs d’alertes », février 2015 Turquie : inventer des chemins politiques inédits face à la violence Au printemps 2013, la créativité, l’humour, le pacifisme résistant et la multiplicité des formes d’action exposés au cours des manifestations de la place Taksim à Istanbul (entre autres), ont créé un étonnement national et international. Comment un tel surgissement politique a-t-il été possible dans une société turque confrontée à une répression extrêmement violente ? Cette réflexion peut venir éclairer des problématiques militantes plus proches de nous.